MARIE BOVO / BAB EL LOUK 5H45-23H36

BAB-EL-LOUK IMAGE BY MARIE BOVO SOME/THINGS MAGAZINE
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05h45 BAB-EL-LOUK

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18H50 BAB-EL-LOUK

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19H50 BAB-EL-LOUK

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21H20 BAB-EL-LOUK

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23H36 BAB-EL-LOUK

 

MB / The main thing i wanted to talk about with you is your personal relation to that cityscape in your images, Bab-El-Louk, not necessarily the real place in Cairo, but rather the one that it has become in your heart, in your memory?

Marie Bovo / Sorry, i will answer in french, it’s easer for me. Le Caire…Je voudrais dire une première chose sur cette ville. Une chose très personnelle, je suis très heureuse dans cette ville. Très heureuse physiquement, je me sens chez moi, si pour autant être chez soi c’est habiter une partie de son enfance. Pourtant ce n’est pas une ville facile et ce n’est pas une ville très tendre avec les femmes.
Mais si je reviens en arrière dans les diverses choses qui ont présidées à cette série Bab-El-Louk, le premier point est le fait que j’avais commencé une collaboration sur un projet autour de la “divine comédie” de Dante avec Kadhim Jihad, qui est le traducteur en arabe littéraire de cette oeuvre. J’avais rencontré en 2004 Kadhim qui est irakien, un immense traducteur qui vit en exil à Paris et lui avait proposé de travailler ensemble sur l’enfer et le paradis à partir de sa traduction. Donc à partir du “texte arabe de Dante”. Cet aller-retour d’une rive à l’autre de la mediterranee, d’un texte chretien a sa traduction arabe occupait completement mon esprit, definissait deja un mode de perception. J’etais, avant meme d’etre au caire, quelque part entre l’enfer et le paradis, entre la chute et l’envol. Et le caire c’etait ça, a la fois une ville reelle et une ville dans laquelle tout pouvait se realiser, les mythes anciens, l’attentat le plus sordide et la rencontre avec l’ange
lorsque j’ai sejourne au caire pour travailler sur la serie bab-el-louk, j’y etais en famille avec ma fille qui avait sept ans et son pere. Ma fille m’accompagnait tres souvent dans nos promenades dans le quartier de bab-el-louk et c’etait magique. Magique, parce qu’elle etait un enfant! Il y avait un etat de grace, tout le monde lui parlait, dans la rue on s’adressait constamment a elle en anglais ou en arabe, on disait un mot gentil, offrait un gateau, un the. J’attends encore le “hello baby” lorsqu’on s’adressait a elle. En meme temps lorsque nous voulions prendre un verre, les cafes nous etaient fermes, parce que l’on voyait bien qu’il n’y avait pas de femmes a l’interieur. On avait d’ailleurs finit par trouver une patisserie qui faisait office de salon de the dans laquelle on voyait des femmes, des couples, c’etait d’ailleurs le lieu de rendez-vous des amoureux; on le sentait a leur nervosite d’etre ensemble. Des lieux mixtes, il y a en pas beaucoup au caire, sans parler biensur des bars des hotels internationnaux, mais je parle de la mixite de la rue, de la mixite dans un quartier tres populaire. La c’est different. Il y a segregation, homme et femme de part et d’autres, a part cette patisserie!


MB / also, despite knowing cairo quite well i cannot help somehow seeing a quite disturbing correlation between your images & images (in my head) of palestine, the gaza strip..is it something that feels strange for you as a thought? What do you feel about it yourself?


Marie/ you are not the first one who does this connection between the photo i did in cairo and palestine, gaza strip. Je vais repondre differemment, j’ai beaucoup lu la poesie de mahmoud darwich et je fais mienne sa geographie. Autrement dit si le caire peut-evoquer la palestine, la bande de gaza, est-ce si etonnant, est-ce si etrange? Ne sommes nous pas dans la meme region, dans la contiguïte historique et politique? Je pense que la reponse a cette question n’est pas dans la similitude, mais dans le coeur! Une ville comme le caire echappe a toute description, elle est une metaphore en soi! Comme dans les histoires jose luis borges : un labyrinthe du temps et de l’espace, on y croise physiquement a certaines heures du jour ou de la nuit, la palestine devastee, la guerre, les jardins de l’alhambra ou de baghdad. Le caire avec la beaute en plus, la pauvrete, la densite, la pollution, la saturation, cernee par des ‘autoroutes touristiques’, par la pression des fondamentalismes religieux, le caire ne se resume pas a une seule ville. En tous cas c’est comme cela que je l’ai photographiee

MB / ...& babelouk as babel?
 

Marie / oui, bab-el-louk, comment ne pas entendre babel dans le nom meme! Babel, la tour censee atteindre le ciel, la grande citee universelle qui contenait en elle toute l’humanite mais qui fut ruinee par le chatiment divin. Oui, quand on voit les terrasses du quartier de bab-el-louk, comment ne pas penser aux peintures de la renaissance qui montrent une tour de babel a moitie construite a moitie detruite. Il y a une similitude frappante entre l’imaginaire du mythe et la realite de la ville. Comme si precisement, c’etait ce processus de tour de babel qui etait a l’oeuvre dans la ville du caire, la construction et la destruction etant la continuite d’un meme etat qui oscille entre les deux poles. Mais peut-etre peut -on voir dans les toits terrasses propres aux villes arabes et a certaines villes du sud de l’espagne, une survivance du mythe, une maniere d’etre entre le ciel et la terre entre le sol, la rue, l’espace public et le toit, le ciel, l’intime. Le mythe de babel renvoie tres clairement a la genese, aux commencements, a une dimension universelle. Et il n’y a pas de doute que le caire est une dimension universelle, parce que c’est une ville qui est traversee par le temps comme par l’histoire et que l’identite arabe va de paire avec l’identite mediterraneenne

MB / can you tell me about sounds, words, people, smell, all those somethings that had to remain behind the shot, that were not captured physically but memory of which is the soul pattern of these images?


Marie / of course sound! A photo is silent! Et la ville du caire c’est du son, c’est un choeur ininterrompu de klaxon de tous styles, de toutes modulations, de toutes intensite. Une rumeur de circulation, de paroles qui est presente tout le jour, qui semble matte, ecrasee quand le soleil brule la ville puis qui gonfle vers le soir jusqu’a devenir de plus en plus assourdissante la nuit comme si ça n’allait jamais s’arreter. Et au milieu de tout cela, les appels a la priere, relayes par des dizaines et des dizaines de haut parleurs, plus ou moins beaux ou mecaniques selon qu’ils sont lances par un muezzin ou un enregistrement. Ces appels a la priere rythment chaque journee, parce qu’il correspondent a des horaires precis, a un deroulement et a un sens du temps. La salat, l’appel a la priere a des temps determines c’est aussi ce qui a fait que la serie de bab-el-louk, s’est construite sur l’idee d’une journee comme unite de temps qui definit tout un cycle. Chaque heure designe une photo et fait reference a une des heures de la salat, a un decoupage du temps quotidien qui est propre au monde musulman : chorouk : 6h57, dhor : 12h48, asr : 16h04, maghreb :18h40, icha :19h41, par exemple, mais les heures varient en fonction des saisons et l’endroit ou l’on se trouve

MB / also, about hours, how does the place change as time passes, not physically, not the shadows, not light, but rather emotionally, i mean, the content of the place, its story?
 

Marie / independamment de l’appel a la priere qui fixe un sens et un deroulement a la journee au dela des apparences visibles. L’unite de temps de bab-el-louk est la journee. Comme dans le theatre classique, la journee constitue le premier cycle temporel qui contient tous les autres, celui qui decrit tant le temps vecu et quotidien que le temps absolu qui regit le cours des choses. La serie bab-el-louk est realise a la chambre 4x5inch, le temps d’exposition est long, dilate, ralenti, le temps est une composante a part entiere d’une grande partie de mes photos. Evoque ou pris en compte dans le processus meme de realisation des images, il differe du temps de la perception immediate habituellement attache a la photographie. La seule chose que je peux rajouter, c’est que ma maison d’enfance, est une maison analogue a celles que l’on voit dans cette serie de photographies, elle a plusieurs toits terrasses qui sont pleins de toles ondulees, de radios et tv qui marchent plus ou moins, de cages de pigeons peints de differentes couleurs (les pigeons, pas les cages), d’un vieux poster de julia roberts, une maison qui n’est pas au caire mais a alicante en espagne..
Bab-el-louk images by marie bovo

 


WE THANK FOR THE HELP TO EMMA FROM MARIE’S PARIS GALLERY KAMEL MENNOUR
ARTICLE BY MONIKA BIELSKYTE
THE ENTIRE ARTICLE CAN ONLY BE FOUND IN THE PRINTED EDITION OF SOME/THINGS MAGAZINE ISSUE001